11 sept. 2012

Art Brut

 
Ceci n'est pas un groupe.

Le mini-microcosme d'Art Brut tourne autour d'un seul cerveau: un concept vivant nommé Eddie Argos. Avec sa moustache de peintre (ce qu'il est aussi de son état) parisien, ses pardessus et (oh mon dieu) sa mirifique raie sur le côté, tout nous induit en erreur. Eddie Argos n'est bel et bien pas un dandy, il se prends bien trop peu sérieux pour ça. Sa manie est de tout regarder de haut, de loin. Et d'en rire. D'en rigoler doucement dans sa moustache en scandant ce qui est pourtant l'évident au monde. Enfin, l'évident...Teinté d'un peu de déconne, quand même. Sinon c'est pas drôle. Il débarquent un peu comme une grosse blague (une des ces vannes qui sont plus fines qu'elles n'en ont l'air) dans le monde du rock . Et pour cause: Ils ont formé un groupe.
 

Ils ont formé un groupe et ils veulent qu'on les regarde, car ils ont pour ambition d'être le plus grand groupe du monde, celui qui va réconcilier Israel et la Palestine, écrire des chansons aussi universelle que Joyeux Anniversaire. Mené par un leader qu'on perçoit à travers cette chanson complètement branque (pas si fou en vérité), porté par ce qu'il deviendra sa marque de fabrique, la reconnaissance du groupe, sa voix. Et il prévient que, oui, c'est sa vrai voix, ce n'est pas de l'ironie, ce n'est pas très rock n roll, mais c'est comme ça. Après tout, "If you don't want to be the biggest band in the world, you may as well pack it in", n'aurait pas dit un certain Noel Gallagher? Combien on parie qu'ils ne s'attendaient pas à ce que ça marche?
La paperasse commence à renifler l'affaire, et se jette dessus après la sortie de Bang Bang Rock & Roll, une galette belle et réussie comme un premier album.
 
Ils s'attirent bien naturellement les attentions d'un tout-puissant journal musical anglais (dont je ne prononcerais plus le nom, tant on dirait que je m'applique à le mettre dans chacun de mes posts), faisant semblant de ne pas voir toutes les petites piques (à choisir, je préférerais le terme bombe à eau) qu'on leur lance ni vu ni connu à la gueule. Par exemples un "Je n'ai pas lu le NME depuis longtemps, je ne sais pas à quel genre nous appartenons..." dans Bad Weekend. Il trouvera vite sa réponse, le susdit magazine inventant pour l'occasion un de ces élégant nom dont il a le secret:  Art Wave, regroupant d'autre rigolos tels que The Rakes ou Franz Ferdinand. Toutes les chansons sont dans la même lignée, une flopée d'anecdotes qu'il remplit à rabord d'ironie, ou parfois même mettant en scène des situations tellement déjà  chargée d'humour qu'il se contente de les narrer de sa voix me rappelant étrangement celle d'un arnaqueur un peu bourré vendant ses babioles à la criée.  





Il y a des analyse franchement malines de la relation homme/femme qui vont parfois à nous rappeler les textes sacrés Jarvis Cocker le Grand, avec comme lui beaucoup de chansons dans la peau d'un ado, encore maladroit avec les filles. Parce que c'est vrai qu'Eddie Argos, au vu de ses textes, semble se rappeler très bien de son adolescence et narre à merveille les manies des jeunes pas très bien dans leur peau et voulant être différent des autres (My record collection reduced to a mixed tape, headphones on I made my escape.I’m in a film of personal soundtrack.I’m leaving home and I’m never gonna come back.I’m learning lyrics from the CD
inlaid to impress people with the stupid things I say.) tout en les enviant parfois dans Nag Nag Nag de leur deuxième album "I’m nothing to my peers, but envy and hatred. How many girls have they seen naked?".
Chanson dont la vidéo met par ailleurs le mode de vie pour le moins décontracté du groupe dans toute sa splendeur.
Ils ont donc étés attendus au  tournant en épingle à cheveu, celui du deuxième album. Qu'ils ont donc passé avec brio, enfin cette sorte de brio qu'on utilise quand le deuxième est bien-mais-pas-autant-que-le-premier-mais-c'est-le-deuxième-donc-c'est-normal. Dans les lignes du dénommé "It's a Bit Complicated" (nom pour le moins ironique ou paradoxal) on retrouve les mêmes codes que dans Bang Bang Rock & Roll. Un rock franchement tordu, ou plutôt bancal serait le mot parfait pour décrire cette espèce de guitare soliste qui s'engage dans d'infinis riffs qu'on dirait fins et coupants.
Les habitudes ne changent pas non plus dans Art Brut vs Satan (produit par Franck Black), ce qui a peut être un peu lassé certains critiques (pfff, mais vous savez, les critiques....Vous êtes pas obligés de penser c'que j'écris, hein!) mais qui de mon point de vue, serait déjà un bon point à atteindre pour un certain nombre de groupe. Le premier single au futé sobriquet, "Alcoholics Unanimous", trahissant la nature profonde du leader.
 
Et en 2011: Coup de théâtre. Le scandeur apprend à chanter. Une excuse? Des propos de Mr Argos, il aurait peut-être été temps au bout de quatre album. Qui aurait osé sinon lui?

Dans cette nouvelle galette (à l'artwork fort salué), on ne change pas la recette des précédents, Argos ne fait jamais dans les grandes lignes, toujours dans l'anecdote. Pourquoi changer, il le fait si bien? Même si tous leurs CDs se ressemblent dans la forme, quelque chose semble différent à chaque fois, un je-ne-sais-quoi qu'une apprentie chroniqueuse comme...moi? ne saurait déceler. Il y a dans Brilliant! Tragic! l'usuelle lamentation d'Argos sur sa voix dans Sexy Sometimes, complainte poussé par le désormais "chanteur" sur sa sempiternelle difficulté à être pris au sérieux et à celle, existencielle, de ne pas pouvoir être joué pendant que les couples boivent leur vin. Le très "space"et planant Ice Hockey au nom incongru, chanson magnifique aux lyrics venus de nulle part, annoncant le départ du narrateur dans une mission spatiale.
Le premier single s'intitule Lost Weekend (sûrement dans la lignée de Bad Weekend, Good Weekend ou encore Very Bad Weekend) et est une perle. Parmi l'océan d'ironie, d'humour et de dérision auxquels on nous a habitués, Lost Weekend est une île perdue. La chronique lasse et courbatue d'une soirée, qui se profilait pourtant comme tant d'autre, mais qui fut, à sa façon, hors du temps. L'histoire d'une rencontre, bourré au milieu de la nuit, d'un pétage de plomb inconscient, d'un échappatoire. D'un moment complètement hors contrôle. Et maintenant qu'on est réveillé, un moment perdu. Et finalement regretté?
La particularité de cette chanson est qu'elle n'est déjà absolument pas faite pour faire rire. On pourrait se reconnaître, on pourrait l'écouter en baissant les yeux, en les fermant, ou en levant la tête vers le ciel, juste sans rien dire, on pourrait même pleurer si on est trop fatigué ou que quelqu'un nous manque. Mais je ne vois pas quelqu'un rire sur cette chanson. Non pas qu'elle soit sinistre, au contraire, mais mélancolique, on voit que le narrateur n'est pas dans le présent; il revit le moment. Stumbling from one club to another My friends and I all lost each other I didn't want the weekend to be over Stood at the cashpoint trying to look sober That's when I saw, that's when I saw you Standing in the middle of the very long queue It was a lost weekend We turned our phones off, ignored our friends I felt my knees weaken, I thought I'd never see you again I'm sorry if I embarassed you By saying something stupid like I love you I'm sorry if I embarassed you By saying something stupid like I love you It was a lost weekend We took our clothes off and made no sense I found my knees weaken, I threw myself in at the deep end Sorry if I embarassed you By saying something stupid like I love you I'm sorry if I embarassed you It was a lost weekend I knew a shortcut and I showed you how I hold your hand to take you through the crowd Danced to a song that I still don't know It was late I was drunk it was the radio Oh yeah I wish you could have stayed forever with me But the people in the chip shop they asked us to leave I mumbled instead of asking for your number Then your hands up underneath my jumper We fell over, and over, and over It was a lost weekend We turned our phones off, ignored our friends I felt my knees weaken, I thought I'd never see you again I'm sorry if I embarassed you By saying something stupid like I love you Sorry if I embarassed you By saying something stupid like I love you It was a lost weekend Une dernière chose: je ne pourrais clore cet article sans parler de Maternity Ward. Une des chansons des plus saisissantes qui sont arrivées à mes oreilles. Je serais obligé d'en faire l'éloge sans l'écouter, car, hélas, elle n'est pas sur le net. Comme je me mordrais les doigts jusqu'au sang de ne pas pouvoir vous faire découvrir ce trésor auditif, je continuerais les recherches jusqu'à la fin, je ne pourrais relever la tête et prétendre au rang de blog sérieux tant que cette magnificence ne figurera point dessus. See you donc soon, cher public (enfin, privilégiés tombés ici par hasard serais plus exact.) MySpace: http://www.myspace.com/artbrut  

4 commentaires:

  1. Il me font énormément penser aux Libertines, quand j'en aurais le temps , il faudra vraiment que je m'y plonge. C'est vrai que c'est pas mal mais est-ce que trop de rigolade ne tue pas la rigolade ? Répétitif, un peu quand même. J'aime surtout Brilliant ! Tragic ! mais pour la voix du chanteur, n'était-elle pas mieux quand il ne savait pas la manier ? C'était plus original... "Sorry if I embarassed you
    By saying something stupid like I love you" tout est dit. Bonh tu m'appelleras pour Maternity Ward ? Le mieux dans cet article c'est peut-être tout simplement le ton sur lequel tu parles d'eux, tu ne crois pas ?

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  2. ça y est j'ai trouvé ce qui me dérangeait en laissant un mot sur l'article de Dalva : " Tu vois par rapport à Art Brut que présentait Maetel, désolée mama, je les préfère, ils sont plus authentiques, se prennent moins au sérieux, et du coup servent vraiment du lourd." Je crois que c'est ça : " Eddie Argos n'est bel et bien pas un dandy, il se prends bien trop peu sérieux pour ça. Sa manie est de tout regarder de haut, de loin.", tu vois tu le dis toi même, la preuve que tu les décris bien ! ; ça fait cliché du parisien. Désolée, encore. C'est pas mal, mais ça pourrait être mieux.

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    1. Argh, soit on s'est mal comprises, soit je me suis mal exprimée (mais c'est normal, le plus dur sont premières lignes). Non, en fait tu as compris le contraire. Enfin plutôt la réalité, mais en trop. Je ne voulais pas dire par là qu'il se moquait "hautainement et dédaigneusement", mais plutôt, heu... Il rendait sa dimension normale à beaucoup de choses qui sont souvent exagérées par les gens. Voila. C'est avant tout un grand gamin.
      En parlant de Maternity Ward, mais je vais essayer de le mettre le plus vite possible. Je ferais un post pour elle toute seule, tellement elle est précieuse. Rien que les paroles font voir à quelle point elle est...Unique.
      "Sitting in my bedroom with my keyboard guitar
      Writing pretty songs about renaming the stars
      I don't like to stay in
      I'm easily bored
      I go and tell the newborns in the maternity ward
      Everything's gonna be alright
      Go home and tell your parents
      Everything's gonna be alright
      I hope"
      Mais leur musique est assez dure à trouver sur internet. Et c'est vraiment très dommage.

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    2. Non non c'est pas ça c'est que ça manque de fraîcheur, si tu veux c'est du délire "contrôlé" du coup, pour moi, à certains moments, ça sonne faux. Leurs compositions se répètent aussi un peu, mais au fond c'est le seul reproche que je peux leur faire.

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